« Je m’épanouie pleinement dans ma reconversion »
Dans le Nord, quelques champions cyclistes ont eu la chance d’accéder à une carrière professionnelle. On a connu les Stablinski, Desbiens, Vasseur ou encore Wojtinek qui ont écrit les belles pages du sport cycliste dans notre région. Il y en a encore bien d’autres comme le redoutable sprinter de Lillers Manqueville Laurent Davion qui est passé par les belles équipes du Groupement et de la Mutuelle de Seine et Marne. Malgré tout, les pépins physiques auront eu raison de tous ses espoirs de gagner de belles courses et il devra arrêter sa carrière en 2016. Un bon coureur classait comme excellent sprinter et qui aurait dû briller dans l’Hexagone et ailleurs. Aujourd’hui, il est conseiller en gestion de patrimoine et s’épanouit pleinement. Un renouveau pour lui dans sa vie.
Pour mieux le connaitre et découvrir sa reconversion professionnelle, VELODOM PHOTO l’a rencontré et l’a interviewé
D.Bertout : « Laurent, racontes nous un peu le parcours de ta carrière cycliste ? »
L.Davion : « J’ai commencé le vélo en 1986 au cyclo club de Manqueville Lillers. Mes cousins et mes oncles courraient. Donc par la force des choses. Je me suis mis au vélo tout d’abord dans la catégorie des Minimes. Puis je suis passé en cadet 1 où j’ai obtenu ma 1ère victoire à Busnettes. En 1988, j’ai commencé à me révéler en cadet 2 avec 16 courses à mon programme et de beaux résultat comme vice champion des Flandres et vice champion de France. A l’époque, c’est mon père qui m’entrainait. Cette année-là, j’ai fait 26 courses dont 16 victoires.
Puis en junior1, j’étais toujours à Manqueville Lillers avec des sélections pour les Flandres et les championnats de France et 15 victoires sur route en 1989 avec une 2ème place au Tour de Lorraine : une course internationale. En 1990 je suis toujours à Manqueville Lillers et j’obtiens 18 victoires sur route. J’avais aussi été sélectionné pour le championnat de France sur piste avec Christian Davaine. Je faisais les mêmes temps que des gas comme Laurent Desbiens ou Pascal Potié donc on m’a intégré dans l’équipe sénior. J’ai été champion de France Junior et champion de France Sénior
En 1991, je passe sénior 2ème catégorie, je gagne 5 courses et je passe en 1ère catégorie. En juillet, je fais 2ème au Grand Prix de Pérenchies et je gagne ma 1ère toutes catégories à Pernes en Artois. Je gagne aussi une étape au Tour de la Somme.
En 1992, c’est la création du CPEF à l’initiative de Christian Davaine que j’intégre cette année-là. J’ai alors 20 ans et je gagne les boucles de l’Artois, aussi 2 étapes au Tour du Finistère, 1 étape au 4 Jours Leclerc. J’étais fort au sprint, les principales arrivées se faisaient au sprint que je gagnais facilement. Cette année-là, je dois gagner 9 courses. Donc à ce moment-là, j’ai commencé à être repéré.
On est aussi champion de France Olympique sur piste
En 1993 je fais 3ème au circuit méditerranéen, 4ème aux boucles catalanes, Je gagne la ronde du Canigou. Grosse gamelle au Perthus. Je me casse la clavicule et les ligaments de l’épaule. Devant Antonio Gilli percute une voiture et moi je tombe juste derrière. Lui il est mort sur le coup.
J’ai ensuite repris au Grand Prix de Lillers et j’ai gagné la dernière étape du Tour de Normandie, 2 étapes aux 3 jours de Rennes. Cette année, je gagnais 8 courses sur 10. En tout 16 courses et des grandes courses.
En 1994, y avait Guimard qui me suivait par l’intermédiaire de Christian Davaine. Par la suite, j’ai du faire mon service militaire pas au Bataillon mais dans la police. Ce qui m’a permis de faire quelques courses avec l’équipe de France de Police. Je gagne alors 2 étapes au Ruban Granitier, 2 étapes à l’essor Breton, 2 étapes au Tour de Moselle, 2 étapes au Tour de la Somme. Dans chaque course à étape, une arrivée au sprint, c’était pour moi. C’était la belle époque. On faisait nos études même si on faisait plus de vélo que des études. J’ai eu aussi mon brevet d’état d’éducateur sportif.
En fin d’année, je dois rencontrer Cyrille Guimard et Ange Roussel et on voit aussi la création du Groupement de Guy Mollet avec notamment le recrutement du champion du Monde Luc Leblanc dont le siège est à Lillers. Par la force des choses, j’ai signé dans cette équipe.
J’ai fait un bon début de saison : 4ème au Grand Prix de Rennes, 8ème et 10ème sur des étapes de Paris Nice, 5ème et 6ème sur des étapes à l’Etoile de Bessèges, 10ème 1ère étape du Critérium international. Aux 4 Jours de Dunkerque, une chute devant je me casse une vertèbre. Je finis les 4 Jours mais dans la douleur. J’ai donc dû m’arrêter 2 mois et entretemps, le fameux épisode avec le Groupement avec dissolution de l’équipe. J’en garde néanmoins que des bons souvenirs. Ça m’a permis de côtoyer de grands champions comme Luc Leblanc avec qui je partageais ma chambre. L’équipe est donc dissoute en Juillet 1995 et à ce moment-là Yvon Sanquer me fait signer à la Mutuelle de Seine et Marne. Je recommence alors à l’étoile de Bessèges et à la 3ème étape, je chute, fracture de la rotule. Je me suis fait opéré en Mars puis réopéré en Juillet puis on m’a dit que j’avais une rotule forcée
Fin 1996, je suis contraint à mettre fin à ma carrière à 24 ans. J’étais déçu car je savais que j’étais capable de gagner des étapes au sprint comme à Bessèges. Et voilà fin de carrière. »
D.Bertout : « Comment te considérais tu, grimpeur, routier, sprinter »
L.Davion : « Comme je disais juste avant, j’ai gagné pas mal de courses au sprint. J’avais une bonne pointe de vitesse qui m’a permis de remporter de belles épreuves dans les courses par étapes. Donc je me considérais comme sprinter. »
D.Bertout : « Après ta carrière cycliste, qu’as-tu fait et dans quel domaine travailles tu maintenant ? »
L.Davion : « J’ai commencé à bosser chez Decathlon au rayon cycle. Ensuite, j’ai gravi les échelons, je suis devenu chef de rayon ensuite j’ai travaillé chez Boulanger en tant que chef de rayon et directeur de magasin. J’ai ensuite été directeur commercial sur la région Normandie et Bretagne. En 2010, j’ai fait une rupture conventionnelle pour être conseiller en gestion de Patrimoine. Je suis maintenant indépendant et rattaché au GAN. Professionnellement pour moi, c’est l’épanouissement. Une belle réussite profesionnelle »
D.Bertout : « Fais tu encore un peu de vélo ? »
L.Davion : « Oui, je fais encore pas mal de vélo au sein du club de Guarbecque qu’on a crée il y 7 ans. Plus de 110 licenciés. On est tous d’anciens coursiers avec une bonne ambiance. Sortie le mercredi, le Dimanche. J’ai recouru en 2010 et 2015. Quand je courrais c’était pour gagner. Mais courir avec des gas de 20 – 22 ans alors que tu en as 40 pas évident. J’ai fait 5 courses et j’ai du en gagner 3. Maintenant je fais plutôt des choses comme Lille Hardelot. Dans l’année je fais aussi des Gentleman et le Grand Prix d’Isbergues : la veille de la course. Je fais encore entre 7000 et 8000 Km par an. Par contre, je ne pense plus remettre un jour un dossard. »
D.Bertout : « Quel est ton plus beau souvenir dans le vélo et à l’inverse ton plus mauvais ? »
L.Davion : « Je dirais au sein du CPEF Wasquehal : de 1992 à 1994 avec à sa tête Christian Davaine et Alain Deloeuil comme directeur sportif. On sortait des rangs juniors, on a tout de suite été mis dans le grand bain avec des mecs comme Laffilé, Delaurier. Des gas capables de passer pro. C’était une période d’insouciance et de professionnalisme. 20 à 25 heures de vélo par semaine. On était dans des conditions de haut niveau.
Au niveau victoire, je dirai les boucles de l’Artois. C’est là ou je me suis révélé au niveau de la scène internationale. Je battais Laffilé au sprint, le maitre incontesté à l’époque. Par la suite, il ne m’a plus jamais battu au sprint. Ça a été le déclic. Au tour de Normandie, je gagne 2 étapes et j’ai battu l’allemand Kloeden au Ruban Granitier. C’était toute cette génération-là.
A l’inverse, oh je dirais quand même que des bons souvenirs. J’ai dû arrêter le vélo sur blessure mais aujourd’hui je suis heureux dans ce que je fais professionnellement. Donc un mal pour un bien. Quand tu arrêtes le vélo à 35 ans, pour retrouver du boulot, c’est plus compliqué. Moi ça n’a pas été le cas. Un gas comme Damien Nazon que je battais au sprint. Aujourd’hui, je préfère être à ma place qu’à la sienne. En plus le vélo, c’est le sport le plus miséreux qui existe. Quand tu es pro et que tu ne gagnes que 2000 euros brut. C’est malheureux. »
D.Bertout : « Tes impressions sur ton passage dans les équipes Pro du Groupement et de la Mutuelle de Seine et Marne »
L.Davion : « A cause de mes blessures, je n’ai pas beaucoup couru. Tout de même de supers souvenirs avec le Groupement même si je n’ai couru que de l’intersaison à Juin. J’ai couru avec des mecs comme Leblanc, Lino, Millar. C’était la Dream Team. A l’époque c’était Ineos aujourd’hui avec un gas comme Van Poppel qui m’a emmené un sprint. Il y avait aussi Wust, Pensec, etc…
Aujourd’hui j’en souris, mais c’est une équipe qui aurait mérité de continuer. A l’époque ils ont voulu écarter Guy Mollet avec cette histoire de secte. Nous en tant que coureur, on n’a rien vu. Le système pyramidal dérange beaucoup en France. Ce n’était pas du tout une secte. Beau souvenir, j’ai gardé mon vélo Bianchi que je j’ai refait. Que de bons souvenirs, pas d’amertumes »
D.Bertout : « Quelle course aurais tu aimé remporter ? »
L.Davion : « Les courses de Flahutes comme le Het Volk ou Gand Wewelgen. Et bien sur le championnat de France sur route que j’aurai aimé gagné. »
D.Bertout : « As-tu encore des relations avec des anciens équipiers ? »
L.Davion : « Non plus du tout. Sur Facebook, je suis ami avec Luc Leblanc ou Laurent Desbiens. Mais de vrais amis non. Peut être un gas comme Fabrice Debrabant, on a été adversaire mais c’est un copain. Ah oui, un de mes meilleurs potes, c’est John Gadret. On coupe du bois ensemble l’hiver. Lui passe son brevet d’état, il est au comité. Il va être sur le Tour en tant que chauffeur »
D.Bertout : « Quel conseil donnerais-tu à un jeune qui a envie de passer Pro ? »
L.Davion : « Il faut déjà être dans une grande structure. Aujourd’hui, ce n’est plus pareil. A mon époque, on avait des courses tous les jours. Il n’y a plus de 1er catégories. Avant le grand prix de Lillers, c’était notre course. On était plusieurs locaux à pouvoir gagner. Dans la voix Du nord, il y avait deux pages parlant des locaux qui pouvaient gagner le grand prix de Lillers
Comme Samuel Pelcat c’est mon cousin. Je suis bénévole et voiture ouvreuse. Aujourd’hui, pour organiser une course, c’est difficile. Maintenant, il n’y a plus de courses, plus cette émulation
Un conseil que je pourrais donner : entraine toi, soit sérieux après si tu as l’opportunité de partir dans une grande structure. Il faut que ça reste un plaisir »
D.Bertout : « Actuellement, quel coureur t’impressionne le plus ? »
L.Davion : « Alaphilippe bien sur qui nous fait rêver. C’est un attaquant né, il nous fait vibrer devant la télé. Un qui m’impressionne c’est Pogacar. Le gas il n’a pas 20 ans, il fait 3 à la vuelta et gagne 3 étapes. Il y a aussi les Van der Poel, Van Aert. Un qui sort du lot, Van der poel. Il est au top tout l’année. Cyclo cross VTT et sur route. »
D.Bertout : « Comment vois-tu le cyclisme dans les années futures ? »
L.Davion : « Quand j’en parle avec l’ancien Président de la fédération René Pelcat. Il y a plus de pessimisme que d’autres choses. Et puis maintenant, il y a tellement de contraintes pour organiser. Ça devient l’enfer. Je connais ça par l’intermédiaire de Samuel Pelcat qui a pris le relais dans l’organisation du Grand Prix de Lillers. D’être bénévole, c’est quasiment un métier à plein temps. L’UCI qui met des critères, c’est une maffia. Le vélo ce n’est plus la même chose avec toutes ces restrictions. Je ne vois pas comment le cyclisme va pouvoir se redresser. Il faut d’abord passer par la jeunesse. Faire comme John Gadret qui va s’occuper des jeunes. Il faut des gas comme ça pour le vélo. »
Un des meilleurs sprinters de sa génération qui sans cette blessure aurait pu élargir son palmarès. Mais il le dit. Un mal pour un bien. Aujourd’hui, Laurent s’épanouie pleinement dans son nouveau métier de Conseiller en gestion de Patrimoine. Malgré tout il garde encore un pied à l’étrier en faisant quelques sorties avec ses copains du CC Guarbecque. Bon vent à lui et à bientôt sur les routes meme s’il a décidé de ne plus faire de compétitions.
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